par choix d'infacilite, j'ouvre mon blog sur l'evenement le plus indicible de ma vie : ***burning-man***

[tout ce qui sera lu ici ne pourra donner qu'une idee tres partielle de la realite de cet evenement]

nous vivons en californie.
a Los Angeles.

mercredi 27 aout au matin--- nous remplissons la voiture : tente, tapis, baches, deguisements, huiles essentielles, de la nourriture et de l'eau pour 5 jours. Nous partons dans le desert du Nevada.

mercredi 27 aout au soir--- nous arrivons a Reno, north nevada. Nous dinons dans un de ces casinos tres populos, ou les machines a sous cliquetent pour 5 cents, ou les camionneurs font une pause-douche, ou la mafia donne a croire a l'amerique pauvre qu'elle peut echapper a son destin. $$$. Triste. Quand nous quittons Reno pour rejoindre les minuscules routes de Pyramid Lake, nous nous retrouvons au milieu d'un convoi de voitures aussi chargees que la notre. Ils vont tous, comme nous, a Black Rock City.

Mercredi 27 aout, minuit--- nous arrivons aux portes de BRC, Black Rock City. La ville ephemere compte 25000 habitants (30000 cette annee me dit on). Elle a ete cree la semaine derniere et aura disparu la semaine prochaine. A la porte d'entree de la ville, une fille couverte de tissus brillants nous acceuille : WELCOME HOME !
Elle nous enonce les regles de vie d'ici :
- No Money. Achat et vente sont strictement interdits. Si tu veux quelque chose que tu n'as pas, fais te le offrir, echange, donne, debrouille toi
- Leave No Trace. Dans une semaine, le desert doit redevenir exactement tel qu'il etait : vierge. Le moindre bout de papier sera ramasse et ramene en quittant la ville.
- Piss Clear. Les conditions climatiques sont rudes, chacun doit boire ses deux/trois litres d'eau par jour.
- No Car. Pas de voitures dans la ville, exceptes les vehicules mutants, i.e. tout ce qui roule et porte une decoration susceptible de changer pour tjrs votre vision du monde.

L'approche est volontairement subversive. Dans l'Amerique des casinos, vivre une semaine sans argent est l'experience la plus destabilisante qui soit. Sur le plan ecologique, se coltiner plusieurs jours ses propres ordures donne une idee tres claire de la nocivite immediate de la sur-consommation. Sur le plan physiologique, pisser clair, se proteger des dust storm, du soleil qui tape serieusement malgre le vent parfois glacial, tout cela donne des elements de reconnection au corps, celui la meme qui est habituellement ignore-meprise-maltraite-malmene. Oublie de boire pendant une heure et tu t'evanouiras le nez dans la poussiere de la playa.

Nous sommes toujours au "gate" de la ville. C'est OniriLand. Des voitures (?) folles viennent accuillir les nouveaux : un bateau post-apo charges d'ecrans video, une lune argentee, des elfes modernes matines de touaregs. Nous, newbies, sommes invites a sonner la "virgin bell", puis a penetrer la ville.

Nous rentrons donc et cherchons le campement des gypsy witch, contacte par mail la semaine derniere. Nous nous installerons avec eux, partagerons les repas, la tenue du camps et les rires. Il fait nuit, nous montons la tente au mieux, puis partons marcher.

[ici l'indescriptible debute]

c'est comme un reve. ou l'imagination de Mezieres. ou Wonderland. ou Mad Max. ou tout ca mais plus encore.

on peut marcher ici des jours entiers et decouvrir a chaque minute un nouveau camp, une nouvelle oeuvre, une nouvelle personne qui participe de notre etonnement.

Parmi les participants, il y a de tres nombreux artistes venus de San Francisco ou de Hollywood. Ici, hors des contraintes commerciales, ils se font plaisir. Le resultat est inoui, d'une beaute et d'une poesie inattendues.

Chaque citoyen *donne* aux autres. Sa fantaisie. Sans contraintes, sans craintes, sans retenue. Les camps, les costumes, les attitudes, sont autant de creations genereuses, faites pour alimenter nos reves, pour nous ravir, pour nous etonner, pour nous couper le souffle, pour stimuler notre spritualite, pour liberer notre sexualite, pour nous apporter, precisement, ce que nous sommes venus chercher.

Ici, les gens sont LIBRES.

[le plus incroyable : les citoyens]

Comment gerer pres de 30 000 personnes qui peuvent enfin relacher les tabous sociaux ? Comment est-ce possible ?

C'est simple : personne ne gere pour les autres.
C'est l'anarchie la plus douce.
Avant toute chose : chacun aime et respecte l'Autre.
Chacun est libre mais personne n'est egoiste.
Et tout se passe merveilleusement.
Tout le monde se sourit.
Celui qui marche nu ne recoit pas de regard courrouce ou vicieux.
Chacun, spontanement, partage ce qu'il a.
Signe d'importance : les toilettes de chantier restent propres.

J'ai moi-meme du mal a croire ce que j'en ecris :
l'anarchie est possible.
L'Utopia existe, j'en reviens.

meme temporairement, meme isolee. Je m'en fiche des arguments destructeurs et pessimistes. Ca marche. J'y etais. Plus personne ne pourra me faire croire le contraire.

celui qui vient ici avec des pensees salissantes se voit transforme malgre lui, subit malgre lui l'influence de la ville, de l'entraide, du respect, du partage. Toi, petit cadre stresse, qui venais pour te defoncer la tete, mater de la poulette a poil et baiser tout ton saoul, tu te retrouves a faire la vaisselle avec ce vieux couple venu feter ses cinquante ans de mariage avant de danser nu toi meme et de decouvrir l'amour dans le respect de l'autre et le don de soi. Plus rien ne sera jamais pareil.

Quand, enfant, je chantais "Imagine" en cours d'anglais, je n'aurais jamais cru en voir la realisation.

Le retour est difficile.


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